Le présent volume est un hymne à « la première et la plus célèbre des rues de l'Empire de Russie ». La fine connaissance du tissu social de son vaste pays acquise par Mikhaïl Veller lors de ses multiples pérégrinations parmi les professions et les milieux les plus divers s'avère ici un atout de taille. À sa manière caustique, il excelle en effet dans l'art de tourner en dérision les aventures, mésaventures et turpitudes de ses héros.

De son style concis et plaisant, il dénonce ainsi la corruption des fonctionnaires et l’arrivisme des trafiquants, sympathise avec les tourments amoureux d’une jeune fille, moque les soldats d’une garnison isolée, vante la débrouillardise des citadins.

Fils de médecin militaire, il glisse volontiers au détour d’une raillerie une allusion nostalgique à la grandeur passée de l’Armée rouge, et semble tout aussi familier des plaisanteries de carabin.

Veller est à l’aise dans tous les registres. Quand il touche à des thèmes graves, délicats ou scabreux, c’est toujours avec pudeur, et le rire est alors un exutoire à la tristesse. Ainsi en est-il de l’antisémitisme. L’auteur s’attaque au problème par le biais de l’humour, mais il s’agit alors d’un humour noir et grinçant.

La force de Veller est de parler de la Russie telle qu’elle est sans se voiler la face et d’aborder tous les sujets avec une apparente légèreté. Veller nous livre ainsi une précieuse image non retouchée de Saint-Pétersbourg, une véritable visite guidée riche d’enseignements dans les coins et les recoins de cette métropole.

Comment expliquer l’engouement massif de ses compatriotes pour Veller ? Sans doute les lecteurs bousculés et subjugués à la fois par l’efficacité de l’auteur s’identifient-ils à ses personnages. C’est tout le mal que nous souhaitons au lecteur francophone.