Le neuvième volume des Œuvres complètes de Sławomir Mrożek présente les deux romans de l’écrivain, uniques dans sa carrière littéraire. Depuis le début des années 60 Mrożek s’est consacré entièrement au théâtre et à la nouvelle, délaissant les formes narratives plus longues.
La vie de village de L’été est court (1955), les querelles entre le curé et le paysan le plus riche du hameau ne sont pas sans rappeler des scènes à la Don Camillo. La réalité polonaise des années 50 s’y trouve parodiée à travers un mélange drolatique de conservatisme, de lieux communs nationaux, de prétendu progrès social, le tout déformé par la langue de bois et par l’idéologie du socialisme réel.
Dans le second roman, Toujours vers le sud (1961), un anthropoïde sympathique et érudit – affublé, sûrement pas par hasard, du nom de GODOT – traverse la Pologne en compagnie de trois adolescents. En caricaturant le roman d’aventures pour la jeunesse et en y ajoutant des dessins de sa main, Mrożek compose un semblant de bande dessinée, donnant ainsi une version rustre et mal dégrossie du genre « occidental » très à la mode mais inaccessible dans la Pologne de ces années-là. Si la forme pervertit d’une façon amusante le modèle, le récit lui-même n’hésite pas à ridiculiser la pseudo-industrialisation du pays, les snobismes littéraires et les provincialismes mesquins, les petits rêves du grand monde et de l’évasion.
Voilà de l’excellent Mrożek, celui des débuts de sa carrière, intelligent, drôle et cinglant. Il divertit et fait toujours autant rire, sans jamais grossir le trait ni verser dans la caricature facile.