À la mort de Staline, Leopold Tyrmand, 32 ans, travaille comme chroniqueur au sein de la dernière revue jouissant d’une certaine liberté d’expression dans la Pologne communiste. Il est heureux, il est aimé, il écrit des papiers sur le sport, le théâtre et, surtout, le jazz, dont il est un peu l’apôtre dans son pays. Les autorités confisquent la revue et Tyrmand se retrouve sur le carreau. Il amorce alors la rédaction d’un journal intime – qu’il poursuivra pendant à peine trois mois. Au final, plus de cinq cents pages qui nous révèlent, comme peu de documents, le quotidien d’une démocratie populaire, les aspirations de la jeunesse, la « fausse parole » omniprésente, les contorsions de la mauvaise foi, en particulier chez les intellectuels, mais aussi le sexe et les sentiments (sa petite amie, Bogna, est une lycéenne de 18 ans), ou le dandysme conçu comme une protestation…
S’il vit dans une chambre de 9 m2 et ne mange pas tous les jours à sa faim, Tyrmand a conservé ses entrées dans les lieux à la mode, là où se mêlent et s’encanaillent les détenteurs de toutes les formes de pouvoir, y compris celui de faire rire. Mais plus encore, il est attentif à ce qui se joue et se dit aux arrêts de tram, dans les réunions de locataires, dans la queue pour le beurre, avec les artistes aux abois, les ouvriers, les ménagères, les agents de la police politique, les voyous et les demi-mondaines.