Lea Lund et moi vivons ensemble depuis près de vingt-cinq ans. En voyageant, nous avons souvent dessiné les mêmes lieux sans jamais y plonger les mêmes yeux. Au fil du temps, ses dessins me sont devenus comme une seconde nature. J’ai eu envie de les accompagner comme un instrumentiste joue pour sa chanteuse. Je lui ai proposé d’écrire à côté de ses dessins, sur nous, sur notre vie de couple, avec désinvolture, sans qu’elle en sache davantage. J’ai suggéré, entre autres, d’appeler ce livre « Un couple passe », elle m’a rétorqué : « Un couple trépasse. »
Elle aime la musique, j’aime la lecture. Elle aime bouger, j’aime rester vissé sur une chaise. Elle aime sortir, j’aime rentrer. Elle aime les garçons, j’aime les filles. Elle aime nager, j’aime couler. Elle aime se distraire, j’aime le labeur. Elle craint la solitude, je l’implore.
Je ne dis pas la vérité, mais tout est vrai. L’ombre recouvre instantanément mes mots. Ma pudeur, ma confusion, obscurcissent toute relation stricte des faits. Il faudrait que le langage soit le garant d’une certaine révélation de soi-même. Les mots sont ma vérité fictive.