Immense musicien et grand homme d’État, Ignace Paderewski fut en son temps « le Polonais le plus célèbre du monde ». Avec sa flamboyante chevelure, avec ses manières parfaites et ses dons de causeur, il a vécu dans le grand monde comme un poisson dans l’eau. Lorsque vint la guerre, puis la révolution russe, celui qui n’était encore qu’une icone du pianiste romantique, se mua en stratège et en propagandiste. On a pu dire qu’il avait su convaincre, dès 1917, Woodrow Wilson en faveur de la Pologne, et qu’ainsi le cas polonais était devenu le treizième des fameux Quatorze Points du Président américain (« Un État polonais indépendant devra être constitué, qui inclura les territoires habités de populations indiscutablement polonaises. ») Mais la restauration de l’État polonais intéressait les Alliés à plus d’un titre : elle leur permettait de mettre un bémol supplémentaire à la puissance allemande et de faire barrage à l’expansion, fût-elle idéologique, de la Russie communiste (ce qui se vérifiera lors de la guerre russo-polonaise de 1920).
Vif et synthétique, l’essai d’Anita Prażmowska, paru dans la série Makers of the Modern World,s’intéresse tout particulièrement au diplomate, au négociateur, à l’homme qui représenta, avec Roman Dmowski, la délégation polonaise durant la conférence de paix de Paris de 1919. Et c’est ainsi une plongée fascinante dans le laboratoire de l’Europe moderne : un puzzle redessiné par les traités de Versailles et de Saint-Germain-en-Laye, mais aussi le chaudron des conflits ultérieurs.