Édité et annoté par Jacques Catteau, Sophie Coeuré et Julie Bouvard.
« Comment l’officier courageux, deux fois blessé au front, détaché dès 1916 à la Mission militaire en Russie, comment l’ancien major de l’École normale supérieure, agrégé de lettres, l’intellectuel catholique qui rêvait d’unir les Églises, a-t-il pu adhérer au bolchevisme et, bien pis, le servir ? » C’est là tout le mystère de Pierre Pascal (1890-1983), que Jacques Catteau soulève dans sa préface au Journal de Russie.
En 1918, l’« entrée en communisme » de Pascal provoque un scandale en France ; puis on l’oublie, jusqu’à son retour à Paris en 1933. Homme discret, rebelle à toute discipline politique, Pascal devient traducteur et professeur à la Sorbonne. Il refuse de partager publiquement son expérience de l’URSS, et ce n’est qu’en 1975 que paraît le premier des cinq volumes de son Journal de Russie, qui a pris la dimension d’un ouvrage culte pour tous les passionnés d’histoire russe.
Le Journal de Russie 1928-1929 est la transcription des cinq carnets noirs inédits qui constituent le dernier témoignage de Pierre Pascal. Beau-frère de Victor Serge, ami de Boris Souvarine, l’auteur appartient à la génération de révolutionnaires trahie par le stalinisme. Au fil des pages, il révèle les rouages de l’Internationale communiste, la persécution de l’Église orthodoxe, des paysans, des opposants au régime, la vie quotidienne à Moscou, à Leningrad ou dans les campagnes de « l’Outre-Volga ». Sa plume est précise, vivante, souvent ironique. Réquisitoire intransigeant contre les dérives totalitaires staliniennes au moment même où elles apparaissent, cette « chronique d’une Révolution dénaturée » est aussi l’expression d’un amour profond, inconditionnel, pour le peuple russe, dont Pierre Pascal s’est appliqué sa vie durant à transmettre l’histoire, la culture et l’esprit.