Un événement des plus extraordinaires pousse le narrateur à rouvrir le journal qu’il avait abandonné par inertie naturelle profonde, moins par souci de témoigner que pour faire front contre ce qui semblerait vouloir lui voler la vedette. Lui, un marginal qui se sent agir sur tout et tous comme un éteignoir, se remet donc à l’écriture, replié dans l’appartement où il vit, sans travail, sans le sou, misanthrope et égoïste, mais moins par conviction que par l’effet d’une solitude que rien n’allège. Entièrement livré à ses pérégrinations intellectuelles nourries de lectures diverses et à ses errances dans Montréal, son être éparpillé se fait le réceptacle des préoccupations dérisoires d’un monde boursouflé.
En quelque cent pages, le lecteur est entraîné dans une sorte de féérie ratée du moi, un faux journal fou furieux de fantaisie et d’imagination, déversé en une logorrhée joyeuse, souvent drôle, et avec une légèreté qui ne s’encombre de rien, une langue singulière, inspirée, pleine de contrastes et de dérision. Il y a un je-ne-sais-quoi de joueur et par là de très rafraîchissant, une gaieté envers et contre tout, dans ce Journal d’un psychotronique qui oscille entre volonté de néant et volonté de grandeur, désenchantement et allégresse – comme si le spectacle d’une hypothétique fin du monde était, finalement, assez réjouissant pour que personne ne regrette d’être venu.
« Je pourrais le jurer : ma présence provoque le ralentissement, jusqu’à l’interruption momentanée des événements, je suis une masse nuageuse, je suis une panne de courant. Je l’ai remarqué plus de cent fois, c’est une tare, c’est peut-être inné, inscrit dans mes codes : il ne se passe presque rien là où j’apparais, et moins encore quand j’y reste un peu. »