Reportages réunis et présentés par Margot Carlier
« J’ai découvert le monde à travers des gens comme Hanna Krall et Ryszard Kapuściński », confiait Svetlana Alexievitch, lauréate du prix Nobel de littérature en 2015.
Réunir en un seul volume les deux grands noms du reportage polonais, dont se réclament aujourd’hui les meilleures plumes de la « littérature du réel », est l’occasion de faire découvrir leurs textes les plus anciens, d’une remarquable qualité littéraire.
Les récits-reportages de Kapuściński sur les années 1960 et ceux de Krall sur la décennie suivante abordent souvent des thématiques semblables et témoignent d’une même empathie face aux plus démunis, aux victimes de l’oppression. Soumis à un contrôle sévère, le reporter de l’époque communiste ne pouvait critiquer le système dans son ensemble : il lui fallait se tourner vers les destins individuels, vers le détail qui prendrait soudain une signification plus large, plus universelle. « Nous disions du reportage qu’il était l’art de voir la mer dans une goutte d’eau », rappelle le grand opposant Adam Michnik.
Au fil de textes où le lecteur ne boude pas son plaisir, une éclatante illustration des ruses du cœur et de l’intelligence face à la censure.
Ryszard Kapuściński (1932-2007), dont on a dit qu’il était « le plus grand écrivain parmi les reporters, et le plus grand reporter parmi les écrivains », a vu son œuvre traduite à travers le monde. Couronnée de dizaines de grands prix, publiée en France par Flammarion et Plon, son œuvre comprend plusieurs classiques : Le Négus, Le Shah, Imperium et Ebène : aventures africaines.
Hanna Krall (née en Pologne en 1935) est une légende du reportage littéraire. Après avoir longtemps souffert de la censure dans son pays, elle est aujourd’hui lue dans le monde entier. « J’ai découvert le monde grâce à des gens comme Hanna Krall », déclarait Svetlana Alexievitch, Prix Nobel de littérature. Plusieurs de ses livres ont été traduits en français, tels Les Retours de la mémoire, chez Albin Michel (1993), Prendre le bon Dieu de vitesse, son inestimable entretien avec Marek Edelman, chez Gallimard (2005), et La Mer dans une goutte d’eau, chez Noir sur Blanc (2016), un choix de ses premiers reportages, croisés avec ceux de son ami Ryszard Kapuściński.