« 5 mai 1945. 10 heures 15 (Macha). Stablowitz a été prise, les Russes marchent sur Schönstein. Nous sommes à la cuisine et battons le beurre. »
Dans ces journaux croisés, écrits entre 1945 et 1946, les trois sœurs Razumovsky nous font partager leur quotidien durant le dénouement de la guerre. Depuis le château de Schönstein, au cœur de la Silésie tchèque, elles restent suspendues à leur poste de radio pour suivre l’avancée des troupes soviétiques et la débâcle des troupes allemandes. Cependant, la vie continue : il faut gérer le domaine et maintenir de bonnes relations avec le village. On tente de s’évader dans la musique, tant que la radio fonctionne encore.
C’est l’attente. On attend les nouvelles du front, qui se rapproche ; on attend la fin des hostilités, on attend les Soviétiques, on attend l’expropriation, on attend les titres de voyage, on attend le départ pour Vienne.
Les trois jeunes filles s’inquiètent de la brutalité de l’occupation russe, mais aussi pour l’avenir de leur famille. Leur mère, une aristocrate russe, a fui la révolution bolchevique de 1917 ; leur père, le comte Razumovsky, est autrichien. De langue allemande, la famille risque d’être assimilée par les « nouveaux » Tchèques communistes aux Allemands des Sudètes, fidèles alliés des nazis. C’est bien ce qui se passe : les Razumovsky sont expulsés et contraints de partir à Vienne et d’abandonner leur propriété à jamais. Pour les trois sœurs, l’adieu au pays et aux terrains de jeux de leur enfance est douloureux. Il marque aussi le début d’une vie nouvelle.