Pourquoi Rodion Pavlovitch Mioussov a-t-il recueilli au domicile familial, au grand dam de sa mère, l'enfant que feu son dissolu de père a eu d'une autre femme ? Pourquoi celui-ci, qui voue à son demi-frère une indicible admiration et veut le protéger contre les menaces obscures dont il est l'objet, s'acoquine-t-il à cette fin avec un jeune et dangereux voyou ? C'est que le cœur a ses raisons que la raison ignore.
Mikhaïl Kouzmine, dans L'Ange gardien, roman aux multiples personnages, construit comme un vaudeville tragique, aux dialogues d'une grande vivacité, aux coïncidences et aux rebondissements inattendus, nous montre qu'entre la pureté et la dépravation, entre l'amour et la misanthropie, entre le crime et la sainteté, il n'y a parfois qu'un pas. Ce Saint-Pétersbourg du début du XXe siècle n'est plus tout à fait celui de Crime et Châtiment, même si on ne peut s'empêcher d'y penser. Kouzmine n'est pas moins mystique que Dostoïevski, mais il est avant tout un poète, parfois lyrique et parfois sarcastique. Les récits et contes qui complètent ce volume l'illustrent parfaitement. On y retrouve, dans une Chine, une Asie Mineure ou un Moyen Âge de fantaisie, les mêmes grandes interrogations que dans L'Ange gardien, et des réponses tout aussi peu conventionnelles.