Enfant des confins mythiques à l'est de l'Europe, Zygmunt Haupt imprègne ses nouvelles de souvenirs qui renvoient à des temps, à des terres et à des gens à jamais disparus avec la Seconde Guerre mondiale. Les saveurs exotiques des contrées frontalières, à la fois polonaises, russes, juives et ukrainiennes resurgissent dans les récits de cet exilé qui après s’être battu contre les Allemands en France et en Grande-Bretagne, s’installa aux États-Unis et ne retrouva jamais sa terre natale. Comme dans le premier recueil de ses textes intitulé L’Anneau de papier (Noir sur Blanc, 1992), nous retrouvons ici un univers inimitable à l’ambiance à la fois mélancolique et pittoresque. La sensualité y rejoint le don d’observation intimiste : la pluie, la forêt enneigée ou le paysage provençal servent d’écrin à une confession discrète de l’auteur qui se livre par bribes, par éclats poétiques. Les scènes de la vie de soldat ou de réfugié, les réminiscences des amours de jeunesse dessinent le trajet existentiel de l’écrivain polonais, toujours en interrogation devant le mystère de la vie et de la nature : « Découvre-toi, monde, montre ta face bien à plat, tournée vers le ciel, fermentant de ses eaux, cornue de ses montagnes, sillonnée de ses routes. Viendra la nuit qui étendra sur toi un voile pareil au linceul tiré sur le corps anguleux dans sa tétanie. Seule la lune se reflète dans tes eaux, telles les piécettes posées sur les paupières closes du cadavre. Puis viendra le jour, tel un préparateur de salle de dissection. »