« J’ai joué à cache-cache pendant un an avec le diable. Expérience dangereuse s’il en est quand, comme moi, on n’a pas toujours su résister à la tentation. »
Sillonnant la planète pour réaliser ce panorama de la prohibition, Taras Grescoe ingurgite en Norvège des tord-boyaux « maison », mange dans une ferme de France un très puant fromage au lait cru dont l’Amérique ne veut pas, écume les bars à tapas de Madrid pour trouver des criadillas – testicules de taureau à l’ail –, puis, c’est en quête de crackers au pavot qu’il va errer dans les rues de Singapour. Il mâche des feuilles de coca avec des indigènes à La Paz et verra ces mêmes feuilles se transformer en cocaïne dans une lointaine forêt de Bolivie. En Suisse, s’il renonce à goûter au penthiobarbital sodique, au moyen duquel on peut mettre terme légalement à son existence, il ne dira pas non aux lueurs vertes de l’absinthe !
La plupart des livres de voyage assurent à leurs passagers un confort absolu : ce n’est pas le cas de celui-ci, qui a souvent le rythme d’un grand galop de mauvais chemin, avec fusillades et cris d’Indiens. À travers le prisme de la prohibition, c’est la très ancienne lutte entre libre arbitre et puissance publique qui est examinée. En étudiant ce que nos sociétés choisissent de diaboliser, Grescoe nous convie à une extraordinaire équipée au cœur du désir, dans les méandres du vice et de l’interdit.