Le dixième volume des Œuvres complètes de Sławomir Mrożek, Nouvelles 3, donne à lire les premières nouvelles du grand dramaturge polonais. Il réunit trois recueils : L’Éléphant, Les Porte-Plume et Une souris dans l’armoire.
L’Éléphant, publié en Pologne en 1958, marque les débuts littéraires fracassants de l’auteur et lui apporte succès populaire et reconnaissance de la critique. Il s’agit de textes courts, voire très courts, souvent extrêmement acerbes. Mrożek y dénonce avec brio l’imbécillité des politiques et l’impuissance des faibles. Il a su saisir avec justesse l’ambiance du pays et les états d’âme de ses compatriotes. La Pologne des années d’après-guerre était alors confrontée au quotidien, face au modèle stalinien importé, à un décalage aigu aggravé par les problèmes plus généralisés d’adaptation au progrès technologique.
Dans Les Porte-Plume et Une souris dans l’armoire, écrits plus tard, au cours des années soixante, on retrouve la dérision, les situations grotesques, l’absurdité de la bureaucratie communiste, l’humour noir à son summum, mais on glisse vers une problématique plus axée sur la condition humaine où la vie intérieure des personnages désorientés prend tout son sens et évolue parfois vers une dimension philosophique ou métaphysique. L’auteur s’intéresse au destin de l’individu broyé par une société inhumaine et qui se retrouve tout seul.
Dans ces textes de jeunesse, Mrożek excelle déjà dans le maniement du langage. Il passe avec un égal bonheur de la parodie au sarcasme et nous enchante avec son sens saisissant du raccourci et sa façon inimitable de camper une situation et son dénouement en quelques phrases percutantes.