« Je ne touchais plus aux pinceaux, ils me dégoûtaient. Les couleurs également. Elles me soulevaient le cœur comme du sang figé, comme des tibias dispersés, des doigts coupés. En revanche, le vieil âne fleurissait. Et il peignait sans relâche. »
En faisant parler tour à tour Francisco de Goya, son fils Javier et son petit-fils Mariano, Jacek Dehnel nous plonge dans un roman familial d’une tension inouïe. Le grand Goya y apparaît dominateur et rustre, menteur et impulsif : peintre génial, amant insatiable (il aime les femmes et, en secret, un homme), il est aussi un père cruel et déchiré (sa femme et lui ont perdu plus de douze enfants). Goya tourmente le seul fils qui lui reste, Javier, dont le peu de vigueur l’exaspère. Le petit-fils, Mariano, est en revanche un arriviste heureux, un homme superficiel que son grand-père adore. Dehnel restitue magistralement l’Espagne décadente du début du XIXe siècle, la demeure sur laquelle Goya régnait en tyran et cette Quinta del Sordo (la Ferme du Sourd) où se jouera le mystère des Peintures noires, parmi lesquelles figure le célèbre Saturne dévorant un de ses enfants.