Comment peut-on être fossoyeur ?
C’est une question que ne s’est jamais posée Veniamine Bielotserkovski, « cet homme des cimetières, qui eut toute sa vie un pied dans la tombe d’autrui », qui passa dix-sept années dans le goulag soviétique, où il fut fossoyeur du premier au dernier jour de sa détention.
Par la bouche de son héros, Markish nous convie paradoxalement à un traité plein d’humour, de fraîcheur, de fantaisie et de légère gravité sur la vie et la mort. Sous les apparences du cynisme, ce récit est également un hymne à la tolérance universelle, un cri d’amertume serein adressé aux hommes de toutes les couleurs et toutes les religions, car le fossoyeur, bien qu’oiseau de mauvaise augure, sorte de « demi-diable », « une puissance un peu trouble », réconcilie en dernière instance tous les… mortels.
On retrouve la même verve dans le second récit, Tenti, qui se déroule en Asie centrale, sur fond de steppe colorée et sensuelle. Tenti, personnage à l’ironie discrète et inclassable, aux réactions inattendues, sorte de Dersou Ouzala mâtiné de brave soldat Chvéïk, fait éclater le ridicule et la vulgarité de la veule obéissance à l’oppression. Dans les deux cas, une fausse ingénuité ludique et une forte leçon de vie et d’enthousiasme.