« Quand il y avait une pétition à signer, il arrivait toujours à disparaître au moment opportun, il s’esquivait, il louvoyait ; il évitait de refuser directement. Il savait à quel poète militant de l’opposition il fallait payer une vodka, et ce que ça pouvait lui rapporter ; il pouvait presque passer pour un des leurs. »
Un homme et une femme sur la route de Varsovie. Un camion déboîte dans un virage. Avant le choc, toute la vie de A.Z. défile devant ses yeux, une vie tracée tant bien que mal dans la Pologne des dernières décennies du XXe siècle. Écrivain raté, usurpateur sans panache, A.Z. parvient à se faire passer pour un acteur essentiel de l’opposition clandestine. Pourtant, hormis quelques mauvais poèmes, il n’a jamais rien écrit : son « grand livre », son livre « courageux », il le vole à un malade décédé dans un hôpital psychiatrique. Ses actes, ses rencontres, tout est dicté par l’intérêt qu’il peut en tirer. Séducteur opportuniste, il dérobe les textes de ses conquêtes et devient peu à peu l’un des représentants de la littérature polonaise indépendante.
À la chute du communisme, il perd tous ses repères : le monde change, les vieilles combines ne fonctionnent plus. Incapable de se faire une place dans l’économie de marché balbutiante, A.Z. écrit des textes pseudo-érotiques pour des revues féminines et des discours pour quelques députés de partis politiques opposés.
C’est le débat sur le rôle de la littérature dans la vie publique, pendant la période communiste et après, que rouvre Janusz Anderman avec le portrait corrosif d’un écrivain-escroc.