Édition établie par Christophe Jeżewski
Cyprian Norwid (1821-1883) est perçu à l'étranger comme le plus fascinant poète et penseur polonais moderne. Mort dans l'oubli, redécouvert vingt ans après sa disparition, il a pourtant remporté une immense victoire posthume : la poésie, l’art, la pensée polonaise du XXe siècle, n’ont jamais cessé de puiser à cette source qui semble intarissable.
Norwid n’a pas hésité à faire supporter à la poésie — pour lui un instrument capable de transformer le monde, de révéler la Vérité et la Totalité — tous les questionnements qu’implique la réalité, qu’ils soient d’ordre métaphysique, moral, social, culturel, politique ou philosophique. Cela n’exclut pas cependant chez lui d’extraordinaires envolées lyriques, voire mystiques et visionnaires. Farouchement indépendant, inclassable et précurseur, Norwid est un véritable maître du langage qu’il a su forger comme nul autre dans la poésie polonaise. Personnaliste avant la lettre, toujours à la recherche d’une sagesse socratique, l’homme est son principal centre d’intérêt.
Conçu pour susciter une révolution artistique et intellectuelle, le Vade-mecum constitue une sorte de voyage intérieur du poète, plein d’allusions à L’Odyssée, à Dante, et peut-être à Baudelaire. Un des joyaux de la poésie universelle, ce recueil, par son importance artistique et philosophique, se place au même rang que Les Fleurs du mal de Baudelaire, Le Livre des chants de Heine et Feuilles d’herbe de Whitman ; il recèle quelques-uns des plus célèbres poèmes polonais tel Le Piano de Chopin.
Composé en 1865-1866, inédit du vivant de son auteur, altéré après sa mort, le Vade-mecum fut miraculeusement sauvé des ruines de Varsovie en 1944. Il ne fut finalement édité en Pologne, dans sa version intégrale, qu’en 1962, par le grand spécialiste et éditeur de Norwid, Juliusz W. Gomulicki.