Révolution littéraire : comment « Hexes » a transformé la législation polonaise
Hexes paraît pour la première fois en 2022, en Pologne. À ce moment-là, son autrice, Agnieszka Szpila, n’en possède pas les droits. Formulés dans aucun contrat, ils lui échappent entièrement.
Pourquoi a-t-elle renoncé à ses droits d’autrice, qui l’empêchent même de percevoir les revenus liés aux sélections littéraires dans lesquelles son œuvre est nominée ?
Tout simplement pour continuer à percevoir la modeste pension que lui verse le gouvernement polonais, une aide essentielle pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses deux enfants handicapés, auxquels elle consacre tout son temps. En Pologne, à cette époque, il est impossible de cumuler un emploi avec des allocations, même si ces dernières ne suffisent pas à couvrir les frais médicaux nécessaires pour ses enfants.
C’en était trop pour Agnieszka Szpila. À l’image de ses héroïnes dans « Hexes », elle déclenche une véritable révolution. Tout commence par une lettre ouverte, publiée en septembre 2022 dans le journal Krytyka Polityczna. Cet article ébranle profondément le système polonais, donnant naissance au mouvement PROTEST 2119, avec des manifestations qui se dérouleront devant le palais présidentiel pendant un an et demi.
Un an après ce manifeste, la loi polonaise change : désormais, les mères d’enfants handicapés, ainsi que toutes les personnes prenant soin d’eux, peuvent travailler tout en percevant des allocations. De plus, les personnes handicapées se voient octroyer une aide supplémentaire sous la forme d’un « budget individuel ».
« Sans Hexes, cette réforme n’aurait jamais vu le jour. Car sans Hexes, il n’y aurait pas eu cet incendie qui a tout bouleversé, ni cette punition qui m’a poussée à dévoiler au public le crime que l’État polonais m’a forcée à commettre [ndlr : Agnieszka Szpila devait frauder l’État pour toucher, de manière illégale, les revenus générés par ses œuvres]. Moi, et des milliers, voire des millions d’autres comme moi. Pendant des années, je n’ai eu aucun droit légal sur mes œuvres, qu’il s’agisse de livres, d’articles pour des journaux, des magazines ou des revues. Je n’avais rien, je n’étais personne. Mais j’ai remporté la bataille. J’ai forcé le gouvernement à modifier la loi – et pour y parvenir, j’ai menacé de déposer une plainte internationale, accusant la Pologne de réduire en esclavage les mères d’enfants handicapés ! » – Agnieszka Szpila